Les indemnités de départs des patrons défaillants

Publié le par David Méheut

La nouvelle défraie la chronique et alimente les discours des candidats: Noël Forgeard, l'ex dirigeant piteusement renvoyé d'EADS réclame le versement de son golden parachute.

 

La nouvelle est, il est vrai, particulièrement choquante alors que ce dirigeant est parti sur des forts soupçons de délit d'initié, qu'il a laissé l'entreprise dans un état critique et qu'un vaste plan social est en préparation.

 

Au-delà des problèmes d'EADS qui sont en large mesure imputables à l'ingérence des politiques dans la gestion de cette entreprise, c'est la question des indemnités versées aux grands patrons.

 

Compte-tenu du niveau de responsabilité et les risques qu'implique ce type de fonction, il n'est pas en soi critiquable de rétribuer les patrons et ce d'autant qu'il existe également une concurrence entre les dirigeants de grandes entreprises et que le niveau de rémunération est un moyen de s'attacher leurs services.

 

En outre, nombre d'entre eux (la majorité) apportent une réelle plus value à l'entreprise qu'ils dirigent.

 

La vraie question est de savoir s'il est normal de leur donner de si large sommes lorsqu'ils ont échoué dans leur tâche.

 

Dans d'autres pays, cela n'est pas le cas.

 

Paradoxalement, les premières "victimes" de ces pratiques sont les actionnaires. En effet, non seulement l'entreprise dans laquelle ils ont des titres a perdu de la valeur mais il faut en plus en perdre davantage en rétribuant grassement un mauvais dirigeant.

 

Certes, on ne va pas les plaindre trop dans la mesure où le paiement de cette indemnité (et la non sanction de la mauvaise gestion) est largement dû à leur manque de vigilance dans la surveillance de leurs intérêts (il existe un certain nombre de moyens de surveillance de l'action des dirigeants et de leurs rémunération).

 

Cela étant, il n'est pas inutile de rappeler ce fait dans une période où certains font toutes sortes d'amalgames entre argent, spéculation, actionnaires, patrons, etc.

 

Il y a des conflits d'intérêts entre ces différents acteurs et la force du marché par rapport aux autres systèmes, est de jouer sur ces conflits d'intérêts pour obtenir un équilibre optimal.

 

On touche d'ailleurs au cœur du message libéral: tout pouvoir tend à la domination. Il convient donc de mettre en place les bons contre-pouvoirs: exécutif/législatif, concurrent/concurrent, employeur/syndicat, politique/presse, etc.

 

Pour en revenir à Noël Forgeard et ses indemnités, il ne s'agit hélas pas d'une pratique isolée dans le capitalisme français.

 

On peut espérer que la pratique évolue progressivement et que les actionnaires défendent mieux leurs intérêts. Il est vrai cependant que les grandes sociétés cotées ont une certaine inertie et leurs actionnaires de référence sont souvent d'autres grands groupes français dont les dirigeants se comportent de la même manière.

 

Face à ce blocage, il serait approprié de mettre en place un certain nombre de mesures.

 

En premier lieu, continuer de promouvoir le mouvement général de corporate governance qui incite à davantage de transparence.

 

S'agissant des sociétés cotées, il serait souhaitable d'obliger un maximum de transparence dans les rémunérations afin de permettre aux actionnaires et administrateurs d'exercer pleinement leur pouvoir de contrôle.

 

Serait-il souhaitable de ne pas permettre le paiement d'indemnités telles que celles réclamées par M. Forgeard?

 

Il est toujours délicat de mettre en place des mesures de ce type parce que, au-delà du côté spectaculaire et médiatique, elles finissent souvent par avoir des effets pervers que l'on ne pouvait imaginer au moment où elles sont mises en place.

 

Prenons le cas d'un dirigeant qui prend les commandes d'une entreprise qui traverse une période difficile liées aux conditions du marché mondial. Il arrive à éviter la faillite à l'entreprise mais à son départ, la situation n'est toujours pas florissante.

 

D'une certaine manière, il n'a pas démérité. Faut-il l'exposer à de multiples recours?

 

On peut imaginer beaucoup de mécanismes.

 

Le critère absolu devrait être que la rémunération exceptionnelle ne doit pas porter atteinte à la pérennité de l'entreprise.

 

Facile à dire! Attendons de voir ce que le législateur va proposer. En attendant, il serait plus judicieux que la pratique contractuelle s'adapte.

Publié dans Economie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article