Attention, ça va couper!

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Le drame de notre pays, c'est que nous avons un record de dépenses publiques (le poids de l'Etat dépasse allégrement les 50% du PIB) sans pour autant avoir la qualité de service public à laquelle on pourrait légitimement s'attendre. Formulé différemment, dans d'autres pays, on dépense moins mais on a un service au moins aussi bon si ce n'est meilleur. Et à chaque fois que l'on soulève le mauvais fonctionnement d'un service public, les syndicats répondent en coeur "manque de moyens". A ceux qui insistent, on leur répond qu'ils veulent "casser le service public". Le résultat est un grand immobilisme qui a conduit à trente ans de déficits publics structurels qui - gigantesque paradoxe - menacent aujourd'hui de nous empêcher totalement toute dépense nouvelle avec la crise de la dette des Etats Européens.

 

Depuis 2007, avec la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP), Nicolas Sarkozy a souhaité s'attaquer à ce problème structurel avec la mesure du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui partent à la retraite. Cette approche s'est avérée globalementmauvaise. Il y avait certes des sureffectifs manifestes dans la fonction publique, mais appliquer cette mesure uniformément, sans distinguer entre les services et les missions a effectivement fragilisé le service public (au sens originel c'est à dire du service rendu au public). D'abord, certains services avaient déjà fait leur mutation et gagné en productivité avant la mesure mais elle a pourtant été appliqué de manière indiscriminée entre les canards boiteux de l'administration et les services modernisé. Du coup, on a pénalisé les vertueux. Ensuite, certains types de services publics de première nécessité (ex. police) avaient déjà des problèmes d'effectifs aggravés par les 35 heures. Cette mesure les a encore davantage pénalisés. Enfin, dans bien des cas, on n'a pas pensé à adapter les procédures de fonctionnement à des services à effectifs réduits.

 

Cette mesure a donc fait du tort. Tout n'est évidemment pas uniformément négatif mais je pense que globalement, le bilan est plutôt mauvais.

 

Une vraie réforme de l'efficacité de la dépense publique passera certes inévitablement par des coupes dans les effectifs pléthoriques de notre fonction publique d'Etat et territoriale. Mais ces coupes ne pourront se faire sans avoir au préalable repensé l'approche "qualitative", c'est à dire, une réflexion sur les objectifs de service public et la manière de les atteindre.

 

Sans prétendre avoir de solution miracle, je crois que plusieurs pistes doivent être envisagées:

 

1- les 35 heures - pardon de revenir encore et toujours sur ce sujet mais il est grave. Le secteur privé a globalement encaissé le choc des 35 heures à grands coups de dizaine de milliards d'allégements de charges et autres dispositifs (milliards qui nous manquent cruellement aujourd'hui). Le secteur public a en revanche absorbé le choc de plein fouet. Cela a particulièrement été le cas dans la fonction publique hospitalière qui a été très touchée dans l'organisation de son travail. Toucher aux 35h est aujourd'hui un tabou absolu. Il faudra une légitimité politique forte pour le faire ou une situation d'urgence.  Espérons que les candidats à la Présidentielle aient le courage d'affronter cette réalité.

 

2- la décentralisation aurait dû impliquer un allégement de la fonction publique d'Etat pour les tâches transférées aux autorités locales. Des progrès ont été fait mais on est très loin du compte. En outre, les collectivités territoriales (surtout depuis que la quasi-totalité des régions sont passées à gauche) semblent reproduire les mêmes erreurs de gestion que l'Etat. Je renvoie sur ce point à l'excellent livre de "Zoé Shepard", Absolument Dé-bor-dée qui illustre (avec un grand talent d'écriture) l'incroyable inefficacité quotidienne dans les conseils régionaux de ce pays.

 

3- la séparation de l'exécution et du contrôle: cela implique de confier l'exécution d'un certains nombres de services publics à des prestataires privés (associations ou entreprise) tout en laissant le contrôle de leur bonne exécution à l'Etat avec un cahier des charges précis et contraignant. Contrairement à une caricature trop facile, ce n'est pas abandonner le service public à la loi des profits. Il s'agit au contraire de faire en sorte que le contrôle de la qualité soit réel puisque ce n'est plus l'Etat qui contrôle l'Etat, mais l'Etat qui contrôle des tiers. Faut-il craindre que des prestataires privés fassent passer le profit avant la qualité? Il suffit pour cela d'imposer des obligations strictes et de réelles sanctions. Ça marche pas si mal avec le service universel des télécoms géré par des opérateurs privés sous le contrôle indépendant de l'ARCEP. Il règne globalement une saine concurrence sur ce marché et les prix sont (globalement) satisfaisants quand on les compare à l'étranger. Rien n'empêche de reproduire ce schéma à d'autres secteurs en s'inspirant des exemples étrangers qui ont réussi tout en préservant les droits des citoyens (ex. Canada, pays scandinaves...).

 

4- le statut de la fonction publique - il est difficile d'évaluer le "coût" de ce statut mais il n'y a pas grand chose qui le justifie aujourd'hui. Historiquement, il était la contrepartie du fait que les fonctionnaires n'avaient pas le droit de faire grève. Or, il n'aura pas échappé au lecteur que cette époque est fort lointaine... Certains objecteront aussi que c'est pour permettre aux fonctionnaires d'échapper aux pressions politiques. Cet objectif est certes louable et sans doute nécessaire pour certains types de postes très particulier. Mais franchement, peut-on sérieusement prétendre que cela concerne l'intégralité des fonctionnaires bénéficiant de ce statut? Est-ce que Mme Michu, secrétaire de M. le sous-préfet dont le rôle est de taper des lettres, tenir l'agenda du sous-préfet et gérer ses appels a vraiment besoin d'être protégée des "pressions politiques"? C'est absurde. Et c'est d'autant plus absurde qu'à côté de ces fonctionnaires protégés existe désormais de nombreux contractuels non protégés qui effectue les mêmes missions sans aucune protection. Enfin, le Code du travail français applicable à des millions de salariés, n'a pas la réputation d'être laxiste!!

 

Voilà quelques pistes qui me paraissent mériter d'être explorées. Combien de candidats les évoqueront? Combien préféreront céder à la facilité de l'impôt?

 

 

Publié dans Economie

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J
<br /> excellent article<br />
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