Ne pas oublier la croissance

Publié le par David Méheut

tribune d'Alain Madelin sur www.cerclesliberaux.com

Faire aujourd'hui l'impasse du débat sur la croissance, c'est se condamner à aller dans le mur demain.

Après l'autosatisfaction de l'été dernier sur le retour de la croissance, voici que le ministre de l'Economie et des Finances après les résultats d'un troisième trimestre calamiteux (0 %), et des chiffres d'un dernier trimestre 2006 moins flambants que prévus (qui ramènent la croissance de 2006 autour de 2 %), confie qu'il «n'est pas satisfait de la croissance française». Ce à quoi les entrepreneurs créateurs de richesses pourraient aisément répliquer qu'ils ne sont pas satisfaits de la politique économique française ! Reconnaissons cependant que le ministre pose avec pertinence et constance l'impérieuse question de la croissance. Il n’en va pas hélas de même des candidats à l'élection présidentielle.
À gauche, même s'il semble que Ségolène Royal prenne quelques distances avec le protectionnisme ambiant, le raisonnement tient en quelques mots : «la croissance est le produit de la confiance, et Ségolène inspire confiance. C.Q.F.D.». Avec pour toile de fond des propositions issues de l’archéo socialisme : suppression ou distribution de pouvoir d’achat, des allègements d’impôts, créations d’impôts nouveaux, défense des monopoles publics…
À droite, la question de la croissance n’est même pas posée. Le mot «croissance» n'apparaît pas dans le programme de l'UMP. Sauf pour nous parler du «potentiel de croissance des économies ultra marines» ou pour exiger de la banque centrale européenne «une politique monétaire qui soutienne la croissance et l'emploi». Autrement dit, la croissance française, c'est l'affaire de l'Europe !

S'il est vrai que la croissance ne se décrète pas, il est tout aussi vrai que le débat essentiel, celui autour duquel devrait tourner tous les programmes présidentiels est celui des moyens à mettre en oeuvre pour obtenir ce que j'ai appelé une hypercroissance, c'est-à-dire une croissance de 3 à 4 % à la mesure du potentiel de dynamisme de l'économie française, pour peu qu'on la libère.

Cette hyper croissance est indispensable pour résoudre nos problèmes. Une hyper croissance, c’est le plein emploi, une croissance continue du pouvoir d’achat, la solution à nos problèmes de précarité et d’exclusion, le moyen de financer notre haut niveau de protection sociale (ce qui n’empêche pas de vraies réformes de nos retraites ou de notre assurance maladie). C’est l’huile dans les rouages pour mener à bien nos réformes structurelles. C’est permettre le remboursement de nos dettes (en évitant la restriction) et de diminuer la part de nos prélèvements obligatoires en augmentant la taille de l’économie marchande. Or contrairement à la vulgate économique de la «droiche», la croissance ne passe ni par une relance de la consommation, de la dépense publique ni même par le «travailler plus» que permettraient les subventions publiques aux heures supplémentaires. Elle passe par des entrepreneurs motivés, récompensés et libérés. Par une offre de produits et de services nouveaux plus compétitifs.

Au risque de se répéter (Mendès France disait: «les hommes politiques ont le choix entre se répéter ou se contredire»), il existe trois moyens pour doper la croissance :

1 – Une réforme fiscale et sociale majeure pour libérer le talent et l’énergie des créateurs de richesse. Si le travail de tous contribue à la richesse d’un pays, la croissance se fait à la marge par le risque et l’initiative de quelques-uns. C’est la raison pour laquelle, une réforme fiscale tournée vers la croissance ne doit pas avoir pour objet - comme on l’a fait ces dernières années de redistribuer du pouvoir d’achat aux Français pour qu’ils consomment plus - mais de réduire le total des prélèvements marginaux (fiscaux et sociaux) sur le travail. Il est évident qu’une taxation marginale de 66 % (fiscal + social) décourage l’effort supplémentaire quand une taxation de 33 % l’encouragerait.
De même, si un impôt sur le capital modéré peut se justifier, la cascade ISF + plus-values + impôts locaux + successions est devenue contre productive. Le résultat de telles réformes, les expériences étrangères le montrent, n’est pas comme on pourrait le craindre une diminution des recettes fiscales mais au contraire l’augmentation de celles-ci grâce à une dynamique de croissance. Les riches ne payent pas moins d’impôts mais davantage dans un jeu gagnant-gagnant ou le total des richesses augmente. (Voir "Fiscalité : augmenter ou diminuer ? Se donner les moyens d'une croissance durable").

2 – L’ouverture à la concurrence de secteurs protégés et la réforme de l’Etat. Elargir la sphère de la concurrence, c’est élargir la part de l’économie marchande dans notre société, favoriser les initiatives entrepreneuriales, augmenter la productivité et donc la croissance. C’est aussi le moyen de réduire le périmètre de l’Etat et de le renforcer dans ses fonctions régaliennes (à commencer par la justice).
La recherche d’une croissance forte passe par l’ouverture de nos secteurs protégés y compris ceux dont nous voulons - à contre courant du monde et de l’Europe- maintenir le monopole en les qualifiant de «services publics» mais l’existence de missions d’intérêt général – dites de services publics – ne justifient en rien les monopoles qui leur sont associés car elles peuvent être exercées plus efficacement et avec davantage d’innovation en les ouvrant à la concurrence d’entreprises privées dans le cadre d’un cahier des charges. C’est vrai pour nos infrastructures, nos universités, notre assurance maladie et de nombreuses missions de l’Etat qui peuvent être ainsi déléguées.

3 – La libération du marché du travail. La nouvelle croissance de la société de la connaissance de demain ne se trouvera pas avec des relations de travail reposant sur un droit du travail conçu pour la civilisation de l’usine et des salariés en situation de totale subordination. Alors que l’économie a besoin de beaucoup de souplesse, il est aujourd’hui paradoxalement plus facile de divorcer que de licencier! Pour pouvoir fonctionner, le marché du travail a besoin d’une très grande liberté de contrats de travail (et non d’un chimérique contrat de travail unique) adaptés à des situations spécifiques dans le cadre bien entendu d’un socle unique fixant les garanties d’ordre public et des règles de négociation équilibrées des contrats...

 

Pour être efficace le marché du travail a besoin aussi de ne pas voir les signaux des prix perturbés par des coups de pouce politiques au SMIC et des exonérations de charges sous certains seuil qui conduisent à une «smicardisation» de la société française. (Un SMIC de base devrait être fixé par une autorité indépendante et complété par des SMIC professionnels négociés). Les exonérations de charges devraient être converties en franchise de charges sur les 300 ou 400 premiers euros de salaire.
Libérer le marché du travail c’est non seulement permettre un meilleur ajustement favorable à la création d’emplois mais aussi libérer des salaires aujourd’hui artificiellement comprimés.

Pour retrouver la confiance et une croissance forte et durable il faut inscrire ces trois libérations au programme du prochain quinquennat. A ceux qui les trouveraient « trop libérales » ajoutons que ce sont aussi les plus « sociales ». Une croissance de 3,5 % par an signifie un doublement du pouvoir en vingt ans. Aucune politique gouvernementale de redistribution ne peut prétendre au même résultat.

 

Alain Madelin

 

Publié dans Economie

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