Les marchés face à l'élection présidentielle: "ça m'en touche une sans faire bouger l'autre!"

Publié le par David Méheut

Une grande indifférence
Les marchés financiers restent indifférents au résultat des élections françaises. L’économie se sépare du politique.

Jamais sans doute
une élection présidentielle n'aura été marquée par une telle indifférence des milieux économiques. Certes le patronat a fait connaître ses choix de politique économique. Certes les PME, très choyées dans cette campagne, ont approuvé telle ou telle mesure, se sont inquiétées de telle ou telle disposition. Mais, globalement, les marchés financiers restent de marbre, apparemment indifférents aux résultats de l'élection.
Aucune vraie inquiétude sur une éventuelle élection de Ségolène Royal. Aucune crainte des risques de paralysie que pourrait entraîner une victoire de Bayrou. Aucune excitation sur la victoire de Nicolas Sarkozy pronostiquée par la plupart.

Le très libéral hebdomadaire économique «The Economist», (qui avait ouvertement soutenu la candidature d'Alain Madelin en 2002) apporte cette fois son aval à Nicolas Sarkozy. Sans enthousiasme. Car, pour lui, il s'agit de choisir entre «le pire, le mauvais, et le moins pire».
L'analyse n'est pas sans intérêt. D'abord pour ses préconisations sur ce que la France devrait faire pour retrouver le chemin de la croissance et la prospérité : une libéralisation radicale des marchés du travail et de la production, davantage de concurrence et moins de protection, moins d'impôts et de dépenses publiques, une solide réorganisation de nos services publics. Et pour l'hebdomadaire économique britannique de référence, les candidats français sont malheureusement loin du compte. Ségolène Royal, malgré quelques ruptures de tabous socialistes sur Tony Blair, les 35h ou les impôts reste prisonnière de conceptions économiques archaïques. François Bayrou qui semble «plus prometteur» n'a pas réussi à promouvoir un programme orienté par l'économie de marché. «Faute de mieux», il reste Sarkozy. À son crédit, son engagement en faveur de réformes radicales. À son débit, son interventionnisme économique et son protectionnisme. Il est d'ailleurs révélateur que «The Economist» illustre son choix par une couverture représentant un Nicolas Sarkozy dans la posture de Bonaparte à cheval sonnant la charge.

Quoiqu’il en soit, le décalage est grand entre les acteurs économiques et la vie politique. Même les imprécations des candidats contre les «patrons voyous», la rapacité des banques ou la voracité des fonds d'investissement ne réussissent pas à émouvoir les milieux économiques. Pas plus d'ailleurs que les divers bricolages à base de subventions ou de baisse des charges avancées ici et là pour favoriser le travail et l'emploi. Seules retiennent peut-être l'attention, les idées avancées pour maîtriser la dépense publique, réformer ou contourner l'ISF, baisser les impôts.

Les propos de campagne des uns et des autres montrent assurément aux yeux des observateurs économiques une grande ignorance des réalités du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. Les plus belles promesses sont accueillies avec scepticisme soit par ce que échaudé par les leçons du passé on doute qu'elles soient tenues, soit que l'on se doute que ce qui sera donné d'une main sera repris de l'autre.

Cette grande indifférence illustre aussi le mouvement mondial de séparation de la politique de l'économie. Qu'importe ce que sera le nouveau pouvoir demain, il ne saurait y avoir de trêve électorale pour les affaires. Les OPA, les fusions -qui a d'autres époques eussent été gelées en période électorale- poursuivent leur chemin. Si la politique est locale, le business est global. Comme le note de son côté le quotidien économique «Financial Times», la rhétorique économique et les tendances protectionnistes des politiciens français de droite et de gauche n'ont plus aucune pertinence au regard des grandes entreprises dont la majorité des revenus et des profits se fait désormais hors de France. Et il est vrai que quels qu'aient été les propos de campagne des candidats, les réalités économiques reprendront le dessus une fois les élections passées. Les propositions protectionnistes («préférence communautaire», nationalisme industriel, lutte contre les délocalisations, remise en cause de la BCE, limitations de la concurrence ...) ne résisteront pas à l'Europe et à l’OMC.

Mais si la valeur boursière des entreprises ne sera guère affectée par le résultat des élections, on ne saurait en dire de même pour la prospérité des Français. Car avec la mondialisation, on peut très bien assister au paradoxe d'entreprises françaises en très bonne santé dans une France en panne de croissance ou en croissance molle. Il n’est que temps de s’apercevoir en France aussi, que les entreprises dépendent davantage des lois de l’économie que des lois du Parlement. Et que plus ces dernières sont légères, plus elles respectent les lois de l’économie, plus forte est la prospérité.

Alain Madelin
Retrouvez les éditoriaux d'Alain Madelin sur www.cerclesliberaux.org

Publié dans Economie

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J
Quel titre!
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