Espoirs et inquiétudes sur la suppression du juge d'instruction

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Je considère que l’annonce de la suppression du juge d’instruction par le Président de la République lors de la Rentrée Solennelle de la Cour de cassation est intéressante dans son principe mais pose de sérieuses questions, et même des craintes légitimes, quant aux modalités de sa mise en œuvre.

 

Sur le plan des principes, la suppression du juge d’instruction – spécificité du système français partagée par peu d’autres systèmes judiciaires – nous semble plutôt bienvenue. La mission de ce magistrat consistant à instruire un dossier pénal à charge et à décharge s’est bien souvent avéré une tâche impossible à mener comme l’a démontré le fiasco judiciaire de l’affaire Outreau. En outre, le juge d’instruction se voit conférer des pouvoirs considérables sur la liberté des personnes avant même qu’elles aient été condamnées. C’est d’ailleurs pour tenter de freiner certains abus que la Loi Guigou sur la présomption d’innocence lui a enlevé le pouvoir de mettre des personnes en détention provisoire qu’il doit désormais solliciter auprès du Juge des Libertés et de la Détention (JLD). Néanmoins, il semble que cette mesure soit insuffisante, le JLD n’ayant pas joué totalement son rôle de garde-fou comme l’a montré la Commission parlementaire mise en place suite à l’affaire Outreau.

 

Cela étant, la suppression du Juge d’instruction ne manque pas de soulever de sérieuses questions et inquiétudes.

 

Sur le plan pratique, les juges d’instructions remplissent un rôle d’enquête et de réunion de preuves que ni les procureurs et surtout, ni les avocats en France n’ont le savoir faire pour mener. Afin de garantir les droits de la défense, il faudra donner aux avocats les moyens effectifs de rechercher les preuves, notamment techniques et scientifiques, d’établir l’innocence de leurs clients. Il s’agit d’une organisation très lourde à mettre en place mais indispensable au regard de l’enjeu en termes de libertés de la personne. En outre, c’est tout le Code de procédure pénale qu’il convient de revoir.

 

Sur le plan de la séparation des pouvoirs, une telle réforme devrait s’accompagner de garanties en termes d’indépendance du parquet. En effet, si les juges d’instructions sont théoriquement indépendants de l’exécutif, tel n’est pas le cas des magistrats du parquet dont l’avancement dépend du bon vouloir du gouvernement. Ce sont des juges d’instructions qui ont permis de mettre à jour les plus grands scandales politico-financiers de ces dernières années (affaires URBA, Crédit Lyonnais, Elf, HLM de Paris, marchés publics d’Ile de France, etc.). De telles enquêtes n’auraient pas aboutie si elles avaient été confiées à des magistrats soumis à la pression du pouvoir politique.

 

La démocratie ne vit que parce ce que les élites portées au pouvoir par le scrutin majoritaire sont au dessus de tout soupçon. A cet égard, il est indispensable de mettre en place toutes les garanties d’indépendance pour l’autorité à l’origine des enquêtes et des poursuites. En outre, le Pôle Financier, qui a fait ses preuves, devrait être sorti du champ de la réforme envisagée.

Publié dans Droit et Justice

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D
L'action publique peut également être lancée par une plainte avec constitution de partie civile même si le Parquet reste inactif.
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A
En même temps, les juges d'instructions sont bien tributaires, au terme de leur travail, du Parquet et de la volonté ou non d'un Proc' d'ouvrir une procédure de mise examen.J'ai trouvé les argumentations à charge et à décharge du blog de Me Eolas et de Paxatagore très intéressants sur la question.http://maitre-eolas.fr/
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