Faut-il retirer le CPE sur un malentendu?

Publié le par David Méheut

Le point de vue d'Alain Madelin (www.cerclesliberaux.com)

"Soit, nous l’avons dit, le CPE est un mauvais contrat reposant sur un mauvais diagnostic. Il apporte une mauvaise réponse à une bonne question (l’aménagement du droit du licenciement). Mais - nous l’avons dit aussi - le procès fait au CPE est un bien mauvais procès. Et dès lors que le front du refus est essentiellement devenu le front des adversaires des réformes dont la France a besoin, celui des marchands de peur et des vendeurs de fausses sécurités, il va de soi que le gouvernement et la majorité doivent tenir bon.

Et pour tenir bon le cap d’un CPE qui, malgré tous ses défauts, constitue une chance de plus pour des jeunes relégués au chômage, à des stages ou au CDD, il est nécessaire – comme nous ne cessons de le dire depuis le début – de dissiper les malentendus qui ont fait du CPE le symbole du licenciement arbitraire et donc de la précarité.

Il eût été facile – et il reste possible – de corriger le tir en précisant que la rupture du CPE à l’initiative de l’employeur se doit d’être motivée. Ce n’est pas là dénaturer le CPE car un employeur ne licencie jamais sans motif et qu’au surplus celui-ci peut être exigé en cas de contestation devant les tribunaux.

On peut donc raisonnablement penser que, dès lors que ce malentendu serait dissipé, le mouvement anti-CPE s’effilocherait après quelques barouds d’honneur devant un gouvernement et une majorité tenant fermement le cap.

Malheureusement, au lieu de décider et d’agir vite, le Chef de l’Etat et le gouvernement ont choisi de réouvrir une négociation – dont nous disions ici même la semaine dernière qu’elle était impossible (voir :
Circulez, il n’y a rien à négocier) – au niveau des groupes parlementaires de l’UMP ! Et ce, dans les pires conditions, car face au front syndical uni pour demander l’abrogation du CPE, les parlementaires UMP offrent le spectacle de leur désarroi et de leurs divisions, nombre d’entre eux n’hésitant pas publiquement à s’affirmer favorables à l’abrogation !

Tourments que Libération du 7 avril résume ainsi «comment accoucher d’une mesure qui est la couleur d’une abrogation, la saveur d’une abrogation, l’effet d’une abrogation mais qu’on n’appellerait pas abrogation»

Ce qui est sûr aujourd’hui, c’est qu’une capitulation face à l’ultimatum politico-syndical pour retirer l’anodin CPE constituerait une défaite durable pour toutes les réformes indispensables au retour de la croissance et de l’emploi.

Le drame, c’est que la droite ne veut pas voir ce péril et préfère se rassurer par un pseudo discours de la méthode : pour mieux réformer, il faut mieux écouter les Français et davantage négocier avec les syndicats.

Derrière cet apparent bon sens, il y a beaucoup d’erreurs.
- D’abord parce qu’écouter l’opinion, c’est prendre le risque de la facilité, de la démagogie et de la soumission à ses caprices. Rappelons, que le 16 janvier dernier dans un sondage de l’Humanité « 75 % des Français accueillaient le CPE favorablement »
La première qualité d’un homme politique n’est pas sa capacité d’écoute, mais sa capacité à comprendre les problèmes de son pays, à trouver les bonnes réponses, à les mettre en oeuvre avec détermination et pédagogie.
- Ensuite, parce qu’il est difficile, et même impossible de dessiner avec les syndicats les réformes libérales nécessaires à la France, sauf à accoucher de mauvais compromis. Quand la France décroche, comme l’a rappelé le rapport Camdessus, la politique des petits pas, des compromis, des réformes chèvres choux n’est plus de saison.

Le paradoxe est que les jeunes auraient de bien meilleures raisons que le CPE pour se révolter : l’héritage d’une dette abyssale ; des systèmes sociaux en déficit chronique, financièrement insoutenables ; des diplômes assignats dévalués dans des universités en crise ; une croissance anémique ; un chômage persistant ; des salaires en panne et tirés vers le bas...

Toutes les réponses à ces problèmes passent par une confiance retrouvée dans les libertés économiques et l’économie de marché. Malheureusement c’est en France que cette confiance dans l’économie de marché est la plus faible (
sur 20 pays nous sommes bon dernier avec seulement 36% de confiance)

La droite, en refusant d’opter franchement pour le libéralisme, n’est pas pour rien dans cette perte de confiance. Au moment des élections européennes nous écrivions qu’en «faisant passer les réformes libérales portées par l’Europe comme autant de dérives dangereuses, la droite s’interdisait de mettre en oeuvre ces réformes au lendemain des élections européennes et même de les présenter au suffrage des Français lors de l’échéance de 2007 » .
Ce diagnostic pessimiste reste, hélas, plus que jamais d’actualité "

Alain Madelin

Publié dans Economie

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