L'élan béat

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On croyait avoir touché le fond avec le niveau de la campagne du premier tour qui avait complètement occulté les questions de fond: rétablissement des comptes publics, retour de la croissance, moralisation de la vie politique... Mais la campagne du second tour semble devoir être encore plus déplorable.

 

Le poison instillé par le score des extrêmes (Le Pen, Mélanchon & co) continue de se diffuser dans les veines du pays et paralyse les candidats principaux. Nicolas Sarkozy et ses partisans se débattent comme ils peuvent en multipliant les déclarations outrancières et contradictoires dans une ambiance mi-dernier carré de la Garde, mi-Commedia dell'Arte.

 

Et pendant ce temps, François Hollande s'achemine tranquillementvers une large victoire sans que personne ne se pose vraiment trop de question sur son programme. Bon, sauf peut-être les dirigeants de l'UMP, mais ceux-là ont perdu l'oreille de l'opinion depuis longtemps.

 

Comme Sarkozy en 2007, Hollande réussit le tour de force de fédérer des courants d'opinions pourtant inconciliables entre eux allant de centristes modérés un peu perdus à des mélanchonistes (et tout ça grace à Sarkozy). Mais pour quoi faire? A l'image du programme économique de Sarkozy en 2007, le programme économique de Hollande est un mélange de mesures gadgets symboliques et contreproductives, de gloubi-boulga avec, ponctuellement, quelques bonnes mesures isolées ici et là (ex. IS des PME).

 

Mais globalement, le compte n'y est pas. Ainsi, le candidat socialiste ne propose aucune mesure sur l'efficacité de la dépense publique. C'est pourtant le sujet majeur du moment qui risque de se rappeler à nous dans les prochaines semaines.

 

Avec 56% de dépenses publiques par rapport au PIB (un record), on peut difficilement pousser plus loin le modèle prétendument keynésien dont une partie de la gauche se revendique. Nous nageons en plein dedans et nous constatons tous les jours notre bonheur... ou pas.

 

Hollande pourtant refuse (officiellement) de couper dans les dépenses et entend même les augmenter, motif pris qu'une "politique d'austérité" freinerait le retour de la croissance, selon un argumentaire bien rodé. En réalité, il y a "austérité et austérité". L'austérité par la baisse des dépenses publiques n'a pas le même effet sur la croissance que l'austérité par la hausse des prélèvements obligatoires, surtout lorsqu'ils pèsent sur l'investissement. De fait, François Hollande entend s'engager sur la pire forme d'austérité: l'austérité par la hausse des taxes et impôts.

 

Il parle de croissance, mais le mot sonne creux. Il parle de politique Européenne, mais la politique de croissance que viennent de promouvoir les gouvernants italiens, espagnols, suédois et britanniques, sont aux antipodes de la vision françaises: là où ils veulent plus de libre échange, il est pour le replis sur soi. Là où ils souhaitent plus de flexibilité, il est pour le maintien du statu quo. Là où ils veulent plus de compétitivité, il est pour le repli sur soi.

   

Alors certes, il faudra attendre la pratique. Il est vrai que M. Hollande est un des rares socialistes a avoir évoqué la nécessité de mener une "politique de l'offre" - c'est à dire en faveur de l'investissement, ce qui est peu commun venant d'un socialiste français. Mais une telle politique est aux antipodes de celles de ses futurs alliés communistes et même de l'aile gauche du PS. Je ne vois pas comment il arrivera à faire passer la pilule.

 

Mais aujourd'hui qu'importe à l'électeur lancé

 

avec l'élan béat d'un troupeau d'ovidés.

 

Il se croira sauvé dès le soir du 6 mai.

 

La crise revenue, il se sera fort déçu,

 

Et de son infortune, blâmera les marchés...

 

 

 

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